27/10/2025 reseauinternational.net  41min #294542

Subversion universitaire, subversion médiatique, ciblage asymétrique sur fond de guerre d'Ukraine : «deux poids, deux mesures»

par Jean-Maxime Corneille

Omerta inavouée : retour sur la mort suspecte d'Éric Dénécé

La mort suspecte d'Éric Dénécé (le 9 juin 2025, son corps retrouvé le 11 juin) a suscité bien peu d'échos immédiats dans les Médias PC (1). Sans aller, bien sûr, y voir un ordre de bâillonnement [«gag order»], il est tout de même curieux que ce décès ait été si peu remarqué, avec un étonnant délai de latence. Dans ces médias PC, aujourd'hui encore on ne trouve que deux articles publiés au mieux 2 semaines plus tard : le 23 juin dans L'Express et le 29 juin dans La Dépêche (2). Ces deux articles présentent les mêmes éléments convenus, alors que des éléments confus avaient été évoqués lorsque sa mort avait été soudain rendue publique (on l'a pensé initialement mort à Paris et non pas en Haute-Savoie).

La Dépêche évoquait brièvement les circonstances dans lesquelles sa sœur retrouve son cadavre dans sa voiture fermée depuis l'intérieur. La piste du suicide comme étant privilégiée, mais «aucune thèse n'était exclue», précisait la procureure. Cette hypothèse d'un suicide fut largement contestée par ses proches, évoquant un possible assassinat. Un membre de sa famille évoquant «une exécution» tandis que Jacques Myard, maire LR de Maisons-Laffitte et ancien député, envisageait lui aussi la piste criminelle : «Il sortait des papiers qui ne plaisaient pas, c'est tout». La Dépêche rappelle honnêtement l'influence d'Éric Dénécé depuis sa création (en 2000) du Centre français de recherche sur le Renseignement (CF2R), sorte de «pont entre universitaires, médias et professionnels des services secrets». Mais c'est pour évoquer ensuite de manière bien spécieuse que «ces dernières années, Denécé s'était rapproché de sphères politiques radicales», évoquant des collaborations avec des médias «classés à l'extrême droite» ou soi-disant «prorusses, comme Omerta», ou le fait qu'il côtoyait Caroline Galactéros (rappelant la proximité de cette dernière «avec Éric Zemmour en 2022» plutôt que sa collaboration avec la droite conservatrice bon teint de François Fillon), et conseillait depuis 2023 Nicolas Dupont-Aignan.

La Dépêche remarquait tout de même une des causes probables de sa perte : «ses prises de position sur la Russie lui auraient coûté cher. «Il perdait beaucoup de contrats», confie un proche. Le CF2R traversait une période financière critique». Et de remarquer que le site du CF2R était soudain devenu «inaccessible, comme le symbole de l'effacement brutal d'un homme controversé».

Rien que cet article suffisait pour envisager une première piste comme plausible : que d'obscurs réseaux auraient pu désirer «effacer» Éric Denécé, afin que ne subsiste plus qu'une seule version de l'actuelle guerre d'Ukraine. En tout cas, une volonté de détruire financièrement et socialement un homme dont le travail «dérangeait». L'association a des «sphères politiques radicales» ou à «l'extrême droite» de tout sentiment soi-disant «pro-russes», incluant Caroline Galactéros dans le lot, peut être regardé sous deux angles : ou bien une soi-disant «radicalisation» soudaine ; ou bien, un déport malveillant du spectre d'appréciation des prises de position géopolitiques visant à diaboliser quiconque émettrait une opinion dissidente. Concrètement : c'est l'interdiction sociale de toute vision alternative des causes de cette guerre d'Ukraine, qui pourrait s'éloigner de l'unanimisme de l'actuel gouvernement français et d'une écrasante majorité des Médias PC, et la menace latente contre quiconque s'en éloignant d'une mort sociale, voire d'une mort tout court.

De fait, les leçons de l'Histoire ne sont pas tirées, ou plutôt, elles sont oubliées à la faveur d'une crise imposant une sélection négative des informations : ne leur octroyant de valeur que lorsqu'elles vont dans le sens du vent dominant. Quiconque s'éloigne de ces vents dominants rappelle ce qu'avait déjà énoncé l'historien grec Thucydide, le père de l'étude moderne de l'Histoire : l'honnête observateur est suspect du point de vue des deux camps d'un conflit, il est aussi et surtout suspect du point de vue du camp qui n'est pas de bonne foi. Or la bonne foi est théoriquement nécessaire, en Droit international...

L'Express, journal au patriotisme «équivoque» depuis sa création

Le second article paru dans L'Express est un peu plus loquace. L'Express, un hebdomadaire dont la logique de trahison contre la France depuis sa création (1953) avait été mis en évidence par agent du Renseignement espagnol Luis Gonzalez-Mata (3). Les initiés du Renseignement évoquaient «une certaine presse», pour sous-entendre le caractère non neutre voire subversif de ces Médias PC œuvrant subtilement pour affaiblir les positions françaises dans les crises internationales.

L'Express présentait en ce sens Éric Denécé comme «une figure clivante du renseignement» (4), l'associant à l'«espionnage» (bien qu'il s'agisse d'une ficelle journalistique facile que fustigeait justement l'intéressé (5)), avant de reprendre les mêmes éléments «officiels» : les circonstances de la découverte du corps par sa sœur, le «suicide» immédiatement envisagé mais aucune hypothèse exclue, ses proches et collaborateurs refusant en écrasante majorité d'y croire, les mots courageux du seul Jacques Myard... Étonnamment honnête, L'Express questionne : «Théorie du complot ou méfiance compréhensible ?»

Rappelant qu'Éric Denécé avait gravité toute sa vie dans le monde interlope du Renseignement, «où la frontière entre le vrai et le faux se brouille, où il faut manipuler, mentir, conspirer. Un monde où même les paranoïaques ont des ennemis». Vision journalistique assez binaire, mais fondée. Rappelant la création de son CF2R et son optique de rapprochement (louable) de milieux qui se côtoyaient trop peu, recherche, médias et praticiens des Services secrets, «quitte à susciter des controverses à plusieurs reprises», ajoute perfidement L'Express. Comme si la recherche de la vérité, qu'elle soit académique, journalistique ou géopolitique, devait uniquement se contenter de ne déplaire strictement à personne ? On interroge trop peu cette posture d'idéologue trop facile, qui abrite si souvent une vision biaisée de la réalité propagée par «une certaine presse». Roger Mucchielli l'avait pourtant fait dans «La Subversion», un classique souvent cité par les sources du Renseignement français depuis 1971... (6)

Un bref rappel de la carrière d'Éric Denécé par L'Express est sujet à controverse, subtilement biaisé par L'Express : il «a failli vivre une première vie d'agent secret. Il a été habilité à «en connaître», comme disent les professionnels, pendant trois ans, entre 1986 et 1989, au Secrétariat général de la Défense nationale, avant de rejoindre le secteur quelque peu opaque de l'intelligence économique», puis de décrocher en 1998 un doctorat en Science politique (Université Panthéon-Assas), et d'obtenir en 2011 une habilitation à diriger des recherches (HDR, Université Toulouse-I-Capitole). Ce n'est pas forcément la seule version connue de sa carrière, mais c'est celle qui restera à la postérité. L'Express remarque toutefois honnêtement qu'Éric Denécé était considéré comme «scientifiquement remarquable» par Michel Bergès, professeur de science politique à Bordeaux : avec son CF2R, «l'œuvre de sa vie» et une dizaine d'ouvrages sur le terrorisme et le renseignement à son actif, il aura en effet contribué à faire émerger «une véritable culture du Renseignement» au sein d'une université française «encore timide sur ces sujets».

Subversion caractérisée des milieux académiques français

C'est un constat en effet typique du monde académique en général, et français en particulier : le Renseignement et les enjeux occultes derrière les Relations internationales et la Géopolitique sont négligés par la recherche universitaire. Une discipline qui n'existe pas, mais qu'Eric Dénécé avait contribué à encourager et à sortir des fantasmes habituellement associés au Renseignement, des visions bien souvent trop limitées à l'espionnage et aux films grand public...

Je l'ai personnellement vécu moi-même, lorsque j'étais moi-même étudiant en faculté de Droit : des professeurs d'université bon teint à l'humour convenu, qui en des occasions tout de même rares, ne faisaient que répéter avec une certaine goguenardise des éléments de langages journalistiques pourtant faux au sujet de certaines affaires d'espionnage. Notamment sur le Rainbow Warrior, l'affaire la plus «classique» et convenue : la vision d'Épinal des «méchants agents français faisant sauter un pauvre navire innocent de gentils écologistes», sans évoquer l'incroyable chaîne de trahison jusqu'au plus haut de l'État qui en a été la cause, désirant politiquement l'opération la moins professionnelle possible, mettant délibérément en danger nos agents et la crédibilité de la France à l'international. Certes, on prétend que «la censure n'existe pas en France», mais c'est une façon de dire pudiquement qu'il est seulement autorisé de sortir un livre disant la vérité sur une affaire (7), mais qui ne sera lu en réalité que par quelques milliers de personnes au mieux, tandis que les mensonges massivement répétés par des Médias PC durant des années auront durablement pénétré les esprits...

J'ai aussi constaté combien les milieux académiques étaient abreuvés par certaines visions journalistiques biaisées ou grossièrement fausses, par exemple au sujet de la crise en Côte d'Ivoire (1999-2007). Des éléments de langages que l'on pourrait clairement qualifier d'»ennemis», pourtant répétés dans les Médias PC ou même dans des ouvrages en apparence sérieux sur le Renseignement (8), aboutissant à ce que des mensonges antifrançais soient répétés comme s'ils étaient des vérités, par des professeurs d'université, dans les universités françaises.

Le résultat, c'est cette goguenardise convenue et cette détestation latente de la France dans les milieux étudiants et académiques. Et pourtant, c'est en faculté de Droit que cette situation est la moins pire.

Il n'y a que tout récemment qu'il est soudainement devenu autorisé de questionner cette puissante subversion des milieux académiques français, mais seulement dans un contexte géopolitique bien particulier.

En effet, nous avons vu soudain la France s'émouvoir du fait que des éléments pro-Palestiniens ou anti-Israéliens à l'excès, s'étaient vu dérouler le tapis rouge dans les universités françaises, dans le contexte de l'actuelle situation de Gaza. Situation connue que cet activisme, réputé «islamo-gauchiste» mais bien réel, depuis des années présent en France : les milieux d'extrême-gauche prospérant par un terrorisme intellectuel subtil, ayant agrégé les immigrés pour pallier leur perte de crédibilité auprès des milieux travailleurs, de plus en plus tentés par le vote FN/RN. Ce n'est qu'une version concrète, sur le terrain, de la stratégie «Terra Nova», du nom de ce cercle de réflexions du parti socialiste qui théorisait il y a quelques années le remplacement des électeurs natifs par un nouvel électorat immigré, bien plus malléable (9). Ceci, sans remettre en cause le caractère indéfendable du nettoyage ethnique à gaza, et l'intention génocidaire caractérisée chez bon nombre de ses promoteurs.

Pourtant, ceci n'est que la partie la plus grossière du problème. Les universités françaises abritent en réalité depuis des décennies des creusets de mensonges contre la France ou contre les positions françaises, et qui n'aident en rien à ce que la nation française vive en harmonie. Roger Mucchielli en parlait déjà, en 1971, dans le contexte sulfureux de l'après Mai 1968 où les plus malveillants agitateurs pouvaient impunément humilier les professeurs d'université les plus méritants (Paul Ricoeur notamment (10)) en France. Ceci n'a jamais été puni ; mieux : les meneurs les plus emblématiques ont fait une grande carrière par la suite, toujours dirigée contre la justesse des positions géopolitiques françaises... Daniel Cohn-Bendit, Romain Goupil et consorts...

L'Express donne subtilement la raison en des termes convenus, de cette absence d'autocritique du monde universitaireDans le monde universitaire, Éric Denécé était perçu comme un outsider, lui qui n'avait pas fait carrière comme enseignant. Une maîtresse de conférences, spécialiste de la Russie, reconnaît son rôle de «pionnier dans la vulgarisation du renseignement»), mais nuance : «Il n'était absolument pas reconnu comme un chercheur au sens académique».

Éric Dénécé n'était donc «pas du cru», de ce petit monde fermé des professeurs d'université qui bien souvent, sont fascinés par la théorie de la matière qu'ils enseignent, mais bien peu au fait de certains de ses détournements qu'on ne rencontre que dans le monde concret des affaires sensibles, occultes, qu'elles soient professionnelles, politiques ou géopolitiques... Ne pas être «reconnu (comme un chercheur au sens académique)», par des gens qui ne connaissent bien souvent la matière qu'en théorie, ou pas du tout quand il s'agit du Renseignement, voilà le symptôme de la carence d'expertise de milieu universitaire français, dès lors que le l'on aborde les aspects occultes et inavouées des Relations internationales. Il n'y a pas vraiment de courroie de transmission entre ce monde occulte du Renseignement et la formation des élites françaises qui devraient pourtant y être rompues.

En adoptant une posture d'initié, le simple fait de ne pas mettre de majuscule au «Renseignement», en tant que discipline noble en soi, est révélateur d'un décalage de perception. Ce décalage universitaire se retrouve aussi en Droit aujourd'hui : il est considéré de plus en plus comme «vieux jeu» d'y mettre une majuscule. Or, il y avait traditionnellement toute une dynamique d'excellence et d'honnêteté dans l'étude derrière cette majuscule, et la même logique aurait dû prévaloir en matière universitaire, pour l'étude du Renseignement en tant que discipline. (11)

Les milieux académiques sont clairement l'objet d'une lutte d'influence, partout en Occident. C'est constaté dans nombre de matières ou de grands enjeux d'argent sont enjeux : la médecine, le droit et même l'Histoire (12). Nous sous-estimons à quel point les milieux académiques français sont spécifiquement ciblés, et leur naïveté bien souvent flattée, et les mauvaises langues pourraient y voir une volonté de ne pas trop encourager de saines prises de conscience chez le public français.

D'où cette opposition entre les milieux universitaires «classiques», et les milieux de l'intelligence économique : les premiers, assez naïfs sur les enjeux de la mondialisation relevant de la guerre économique sous toutes ses formes, les seconds, bien plus lucides sur leur caractère impitoyable. Idée déjà constatée par Colbert en son temps : «Il n'y a rien de plus nécessaire dans un État que le commerce. (...) Le commerce est une guerre d'argent» (13). L'émergence de filières en Intelligence économique à partir des années 1990, eut justement pour but de prendre conscience de cette intention de dépouillement stratégique de la France, depuis les États-Unis notamment mais pas uniquement...

Guerre occulte contre la modération et la vérité

L'Express remarquait justement cette opposition, sans la questionner outre mesure bien sûr : au contraire des milieux universitaires, «dans les milieux du renseignement, en revanche, ses initiatives [d'Éric Dénécé] plaisent», rappelant que son comité stratégique (du CF2R) accueillait «de grands noms de l'État, souvent marqués à droite, mais pas seulement». François Mermet (ancien patron de la DGSE), Yves Bonnet (directeur de la DST de 1982 à 1985 et actuel conseiller régional sur une liste RN), Pierre Lellouche (ministre sous Nicolas Sarkozy), ou encore Alain Juillet (ex-directeur du renseignement de la DGSE)». Éric Denécé, un «homme de réseau», certes : «dans ce petit monde-là, on se connaît tous très bien».

Mais L'Express s'abrite derrière les mots équivoques de Claude Revel (ancienne déléguée interministérielle à l'intelligence économique sous François Hollande, elle aussi membre pendant un temps du comité stratégique du CF2R), pour mentir discrètement : «Il refusait les dogmes et la pensée unique», «Il était très intelligent et réputé pour dire les choses cash» selon Claude Revel. Des mots dont L'Express s'empare pour se croire autorisé à prétendre qu'«Éric Denécé était connu pour ses opinions tranchées», comme si ces mots n'étaient pas l'opinion du journaliste ayant écrit l'article. Subtile torsion de la vérité.

«Connu» : par qui ? «Opinions tranchées» : du point de vue de qui ? De ceux qui voulaient coûte que coûte cette guerre de provocations en Ukraine contre la Russie, qu'un opérateur subversif comme George Soros avait prémédité au moins ouvertement depuis 1993 (14) ? L'Express trahit son parti pris, pourtant subtilement amené, aboutissant à ce qu'un journal historiquement stipendié par des ennemis de la France, impliqué dans nombre de déstabilisations antifrançaises (notamment contre le Président Charles de Gaulle avec la campagne de «Monsieur X» (15)), salissent aujourd'hui la mémoire d'un homme honnête.

Car c'est bien ce qu'était Éric Dénécé, du point de vue de ceux qui l'ont connu : un «modéré parmi les modérés». Ses opinions n'étaient aucunement «tranchées», comme le prétend L'Express, mais au contraire particulièrement mesurées. En revanche, Éric Dénécé était quelqu'un qui a prouvé par sa mort, indirectement, que tout effort de mesure dans la prise en compte du point de vue de la partie d'en face, dans la crise internationale ukrainienne actuelle, avaient beaucoup à y perdre. Cela fut-il la seule cause de sa mort ? Sans doute pas la seule, il faudrait aussi en ajouter deux autres, potentielles et combinables.

Premièrement, ses prises de parole mesurées et nuancées au sujet de la situation à Gaza, se faisant l'écho des plus méritants serviteurs de l'État israélien contre cette logique de jusqu'au-boutisme de l'actuel gouvernement israélien, dangereux pour Israël à terme (16). Ceci correspondant à la position des initiés du Renseignement israélien les plus lucides et mesurés depuis des années, contre l'aventurisme militaire et ses risques induits pour Israël.

Deuxièmement, l'affaire Alstom et l'existence envisagée d'un «pacte de corruption» derrière l'élection de l'actuel Président de la République à la tête de la France, dans un contexte où plusieurs décès suspects ont eu lieu, concomitamment à celui d'Éric Dénécé : le député Olivier Marleix (7 juillet 2025), mais également une étonnante vague de suicides à la DGSI et à la DGFIP (Direction Générale des Finances publiques).

Trois suicides d'agents de la DGSI (Renseignement intérieur) (17) ont été rapportés depuis janvier 2025, et pas moins de 13 suicides dont certains au plus haut de l'Administration fiscale. Une «crise sans précédent», plusieurs d'entre eux ayant eu lieu directement sur les lieux de travail. Derrière le traitement médiatique et syndical de ces affaires, nombre d'initiés de ces deux secteurs étaient nerveux cet été 2025, et envisageaient d'autres hypothèses possibles (18), notamment en lien avec les dossiers sur lesquels avaient travaillé Éric Dénécé et Olivier Marleix...

Le fait que la grande presse nationale n'ait pour l'instant pas du tout relayé la sortie du dernier ouvrage posthume d'Olivier Marleix permet une autre analogie suspecte. Seul l'Echo Républicain (presse quotidienne régionale de l'Eure-et-Loir d'où était originaire le député) a relayé cette information : Olivier Marleix, déjà auteur de plusieurs livres politiques à charge contre l'actuel président Macron (notamment Les Liquidateurs en 2021) préparait en effet la sortie d'un nouvel ouvrage avant sa mort, intitulé : Dissolution française, la fin du macronisme (19). La version qui sortira finalement aura elle été caviardée entre-temps ? Mystère. Des sources alternatives se permirent en tout cas de faire le lien entre toutes ces affaires et décès suspects, et leur dénominateur commun : la «liquidation» de la souveraineté française. (20)

Voir : «Olivier Marleix : l'homme qui dérangeait la Macronie » - Le Fil d'Actu - Officiel 14 juil. 2025

L'Express reformule ensuite et déforme subtilement le propos d'Alain Juillet, lequel salua justement «une pensée à contre-courant qui déplaît», pour y inclure un élément passif subtil : «selon lui, c'est au moment de la guerre en Ukraine que sa réputation s'est brouillée», prétend L'Express. Elle ne s'est pourtant pas brouillée toute seule, et c'est ce que dit Alain juillet : «On lui a collé cette image de prorusse». Mais qui est donc ce «on» ici désigné» ? L'Express, justement, entre autres, depuis sa position d'idéologue qui pourtant ne se sent pas concerné : cette presse PC grassement stipendiée pour donner une certaine vision biaisée de la réalité, distribuant plus ou moins subtilement, plus ou moins perfidement les étiquettes abusives selon une logique binaire. Quiconque n'était pas à cor et à cri en faveur de l'unique vision autorisée, binaire et manichéenne de cette guerre d'Ukraine («les Russes sont les méchants, les ukrainien et l'OTAN les gentils»), est donc nécessairement «pro-russe» ?

Alain Juillet admet tout de même, selon L'Express, la fréquentation par Éric Dénécé de «personnes qui, elles, étaient bien prorusses» ; L'Express de renforcer ce propos en faisant parler «un ami» (donc, un propos invérifiable au demeurant) pour faire accroire qu'Éric Dénécé «était proche des Russes», et allait bientôt visiter à Moscou ses ««copains russes» dont Igor Prelin, un ex-agent du KGB, membre du CF2R». L'esprit du véritable propos d'Alain Juillet, développé après la mort d'Éric Denécé, est en tout cas bien distinct de ce que prétendit L'Express dans cet article... (21)

L'Express était loin de rendre justice à ce propos, quand le même Alain juillet expliquait, en professionnel du Renseignement à une époque où cela était encore autorisé (2018 (22)) : cette nécessité, dans le domaine du Renseignement, de travailler avec des gens qui ont en effet inévitablement des allégeances, mais qu'il faut bien pourtant travailler avec eux. C'est la base de la Diplomatie, du Renseignement et de la Géopolitique que de travailler en effet avec des gens avec lesquels on n'est pas forcément d'accord sur tout, mais auxquels il faut pourtant donner la parole pour tenter d'approcher la vérité contradictoire des faits. Le vieux principe de Thucydide, en somme, mais il en va exactement de même pour la Justice : on donne bien la parole à la défense, dans un procès pénal, non ?

Perfidement, L'Express poursuit son raisonnement de parti pris, mais reprochant uniquement le parti pris à autrui par inversion accusatoire : «Dès le début de la guerre russo-ukrainienne, le CF2R se fait remarquer par ses communications favorables à Moscou. Un positionnement qui pousse Christophe Gomart, ex-directeur du renseignement militaire, à quitter le comité stratégique du laboratoire d'idées. Un ami d'Éric Denécé, avec qui il partageait une «complicité intellectuelle», a lui aussi rompu les liens : «Je ne partageais pas ses positions prorusses»».

Ces éléments sont factuellement vrais de prime abord. Mais premièrement, tous les éléments n'ont pas été connus en temps réel, des dessous de l'invasion russe de l'Ukraine. Laquelle était pourtant bien, du reste une «Opération militaire spéciale» du point de vue du véritable Droit international public, de l'ONU et des accords de Minsk qui n'auraient pas dû être violés à répétition entre 2014 et 2022.

Deuxièmement, du reste : L'Express ira donc faire un reportage sur les facilités financières et autres prébendes qui sont octroyées aux généraux français qui s'expriment en faveur de la vision restrictivement «otanienne» de cette guerre depuis 2022, dans les médias français ? De sources initiées, on évoqua souvent des 1000 ou 2000€, sans doute souvent plus, pour certaines prises de paroles «à pas cher» de nos hauts gradés sur les chaînes d'information les plus connues. Corruption, simple rémunération ou encore, mercenariat ? «On achète bien les cerveaux»...

La position de Christophe Gomart, du reste, est délicate : osant aujourd'hui ouvertement critiquer le président de la République et appeler à sa démission dans un contexte où le vent est en train de tourner (23). Mais aurait-il été élu député européen (LR) en 2024 s'il n'avait pas montré certains «gages de loyauté» ? Le contexte depuis 2022 était d'acculer et d'étiqueter «extrême droite» quiconque prenait parti pour la «méchante» Russie, précisément ce que fait L'Express à l'encontre de Dénécé dans le même article. Pour survivre politiquement et espérer briguer son mandat, Christophe Gomart a donc fait des choix qui lui étaient propres. Peut-être aussi, au regard des éléments qui étaient en sa possession, car tous les dessous et les motivations de l'intervention russe en Ukraine n'étaient pas forcément connus au moment de leur rupture... L'Express se garde bien, en tout cas, d'en donner une vision contradictoire, loin s'en faut, ayant prouvé depuis la naissance de cet hebdomadaire une docilité sans faille pour soutenir plus ou moins subtilement l'agenda du moment de l'OTAN, au besoin contre la France, depuis l'époque de la présidence de Charles de Gaulle...

Idem, quand L'Express prétend fustiger Éric Denécé pour s'être «rendu plusieurs fois au Dialogue franco-russe, une association coprésidée par le député Rassemblement National Thierry Mariani. En 2015, il se rend en Crimée occupée aux côtés de Thierry Mariani, et défend l'annexion».

Là encore une présentation fallacieuse : l'association «Dialogue franco-russe» a surtout été créée par les Présidents Jacques Chirac et Vladimir Poutine en 2004, dans le contexte de l'après-guerre d'Irak de 2003, lorsqu'une opposition franco-germano-russe s'était structurée contre ce conflit inique. C'était bien sûr une structure d'influence en faveur de ce lien franco-russe, mais c'est ouvertement avoué dès son origine. Prétendre vouloir détruire toute relation franco-russe, correspond au contraire à une volonté étrangère belliciste que sert bien volontiers L'Express sans l'avouer, en diabolisant «par association» Éric Dénécé pour le faire apparaître comme «d'extrême droite» (puisque c'est le sous-entendu ici). De même, au regard du Droit international, le rattachement de la Crimée à la fédération de Russie n'était pas une annexion, ou alors il faudrait tout autant questionner l'indépendance du Kosovo, entre autres torsions récentes du Droit international dont l'OTAN se rendit coupable... Mais l'indignation de L'Express ne vaut que dans un sens, manifestement.

Russie / Ukraine : l'influence et belliciste du groupe Bouygues, détournement de démocratie par fraude fiscale

Deux poids, deux mesures : hystérisation et diabolisation dans les Médias PC «français».

De même, lorsque L'Express fustige le réel effort de mesure d'Éric Denécé, en mars 2022, sur CNews (la chaîne honnie en ce moment, toujours suspectée d'être elle aussi «d'extrême droite»). Il questionnait à raison (plutôt que «dénonçait» comme le prétend L'Express) «la manière dont les faits sont présentés» : «Poutine porte tous les torts alors que les responsabilités sont très largement partagées». C'était la pure vérité, et Éric Denécé la répétait en juin 2022 dans un soi-disant «billet d'humeur» (toujours cette exagération émotionnelle de L'Express...) pour le cercle de réflexion Geopragma de Caroline Galacteros, elle aussi coupable d'adopter des positions soi-disant «russophiles» (pour L'Express). En réalité, elle aussi toujours modérée et respectant le principe du contradictoire que L'Express piétine allègrement... Éric Denécé reconnaissait, certes, la position de la Russie en tant qu'agresseur dans ce conflit, mais remarquait non sans raison que «les États-Unis, l'OTAN et le gouvernement Zelensky» l'avaient poussé à cette attaque. Des positions soi-disant «clivantes» d'Éric Denécé, alors que ce n'était là encore que la vérité, plus complète la vision binaire et manichéenne présentée par L'Express.

De toute évidence,Éric Denécé commit surtout le crime de «lèse-Médias PC», manifestement, quand L'Express lui reproche de les avoir critiqués, puis de s'être tourné «vers des publications classées [par qui ?] à l'extrême droite ou dans la galaxie prorusse, comme Omerta», outre ses liens avec Nicolas Dupont-Aignan depuis 2023.

C'est pourtant bien l'exclusion médiatique d'Éric Denécé, perdant «beaucoup de contrats», «en raison de ses «opinions controversées sur la Russie»», qui «avait bien conscience que ses prises de position pouvaient lui nuire», qui accula le CF2R à la faillite. En Allemagne de l'Est, on appelait ça «Berufsverbot» : l'interdiction de fait d'exercer un métier quand on déplaisait au Système communiste, condamnant tout fautif à la misère.

Mais L'Express, bien sûr, n'ira pas relier tous ces sujets, et n'ira jamais investiguer ce qu'avait pourtant déjà diagnostiqué le très méritant présentateur télévisuel Frédéric Taddeï. Lorsqu'il avait rejoint Russia Today, la «CNN russe», à une époque où il était encore autorisé de ne pas uniquement diaboliser la Russie, il avait rétorqué aux médias français qui tentaient de l'interviewer avec malveillance (Europe 1 notamment (24)), une idée dérangeante : pourquoi donc le débat n'était-il plus possible, entre deux positions contradictoires sur certains sujets géopolitiques, sur les Médias PC français, pour qu'il soit obligé d'aller travailler soi-disant «pour le Kremlin» avec Russia Today ? Du reste, il est connu dans le milieu parisien, avant la guerre d'Ukraine, que bon nombre de journalistes français étaient volontaires pour travailler chez «RT». Parce que Russia Today était justement connue pour les laisser travailler sérieusement, à la différence des Médias PC «réputés français» qui leur donnent bien souvent des consignes orientées et impératives, revenant à tordre la vérité à tout bout de champs.

Outre la multiplication de toutes ces ficelles journalistiques tordant subtilement les faits et les propos, avec toujours cette même exagération émotionnelle, subtile par L'Express, ce genre d'hystérisation étant spécifiquement une technique journalistique subversive, voire précédant les pires totalitarismes (25), c'est cette question du «deux poids deux mesures» systématique qui met en évidence la mauvaise foi abyssale des Médias PC français. Non pas uniquement dans le cadre de cette guerre d'Ukraine, mais plus globalement : en faveur de la seule lecture «autorisée» du moment, dans n'importe quelle crise de notre époque. La docilité asymétrique de ces médias PC «autorisés» en faveur des sources, selon qu'elles soient «autorisées» ou non par leurs obscurs «traitants» (26), de la part conduit à un biais évident de la part de ces milieux soi-disant «autorisés». Le résultat de ce «politiquement correct» est connu : il a un effet débilitant, d'ailleurs prouvé en matière d'intelligence artificielle... (27)

L'Express a donc un rôle direct dans l'abaissement de l'intelligence en France. Mais il n'est certainement pas le seul média PC à s'en rendre coupable.En effet, ce «deux poids deux mesures», en tant que technique subversive évidente pour façonner la guerre en Europe, cette asymétrie grossière dans le traitement de l'information dont les médias PC français se rendent coupables chaque jour, vient d'être mis en évidence d'une façon plus éclatante encore : à travers les liens qui unissent le groupe Bouygues à la Russie d'une part, et d'autre part au traitement asymétrique de l'information par les chaînes (soi-disant) d'«information» du même groupe Bouygues lorsqu'il a à couvrir cet actuel conflit en Ukraine.

Est incriminée ici, spécialement, LCI : «La Chaîne Info», soi-disant, surnommée «LCU» («La Chaîne Ukrainienne») par d'obscurs plaisantins depuis 2022, tellement son parti pris est évident. C'est en effet la chaîne d'une certaine «vision» de cette guerre «jusqu'au bout du sang des Ukrainiens» :LCI est devenue une caricature de cette docilité des Médias PC en faveur des positions bellicistes sans limite de l'OTAN.

Or l'excellent et primesautier Idriss Aberkane vient en effet d'évoquer, dans une vidéo sur un média alternatif, une affaire bien sensible pour le groupe Bouygues (28), relevant d'un conflit d'intérêt caractérisé. Fustigeant à bon droit les bêtises grossières «débitées à la pelle» chez LCI, il poursuit :

«Donc voilà et donc LCI d'ailleurs, j'aurais bien aimé qu'ils rendent l'argent qu'ils ont pris à la Russie avec Bouyguesstroï qui fait du business en Russie. Ah, ils ne disent pas ça. [Pourtant] LCI appartient au groupe Bouygues et le groupe Bouygues, via sa filiale Bouygues Stroï en Russie, a palpé plus de 200 millions d'euros. Bon bah rendez l'argent alors, si vous êtes là en mode «intégrité et cetera». Parce que les gens que vous accusez d'être «prorusses», ils n'ont pas touché un centime de la Russie même de façon purement «corporate et légale». Je veux dire : pas des bakchiches, et cetera. Ben Clémence Houdiakova [Tocsin Média] qui a subi le terrorisme intellectuel de Martin Weil (29), elle n'a pas touché un centime de la Russie. C'est un fait. On peut tourner ça dans tous les sens dans tous les sens qu'on veut. Elle a touché zéro [aucune somme d'argent], elle. Par contre, Bouygues, donc LCI. Ah bah, eux ils ont la maison-mère de LCI (l'argent n'est pas allé à LCI direct[ement], encore que je n'en sais rien). Mais la maison-mère de LCI a touché plus de 200 millions d'euros de Poutine qui était déjà au pouvoir à l'époque. (...) Accessoirement la maison-mère aussi de TMC, (...) donc de Martin Weil».

Une affaire bien délicate en effet, pour un groupe dont les médias passent leur temps à jeter de l'huile sur le feu dans ce conflit... Et pourquoi donc ? Le groupe Bouygues Construction, à travers sa filiale Bouyguesstroï (créée en 1989), a pourtant réalisé de fructueuses affaires en Russie, spécialement depuis les années 2000, donc depuis la présidence de Vladimir Poutine. Ses activités incluent de multiples projets immobiliers, résidentiels et commerciaux majeurs, souvent en partenariat avec des entités liées au pouvoir russe ou à des oligarques proches du Kremlin comme Iskandar Makhmudov ou Oleg Deripaska, accusés de proximité mafieuse ou politique (népotisme).

Certes, 200 millions d'euros sont sans doute dérisoires par rapport au chiffre d'affaires global de Bouygues avant 2022, mais il semblerait que ce chiffre soit très prudent, largement sous-évalué. Surtout, pour un groupe dont les médias sont lâchés chaque jour contre quiconque n'est pas assez «vertueux» à leurs yeux (comprendre : «antirusses»), ces liens qui ont été facilités par des sommets franco-russes et des réseaux d'affaires, font désordre, incluant même certains investissements symboliques (la nouvelle cathédrale orthodoxe russe à Paris par exemple, 2011). Certes, ces investissements sont réputés avoir été «gelés» après l'invasion de l'Ukraine en 2022, mais c'est avant tout en raison des sanctions internationales. Auparavant, le groupe ne se privait pas de vanter sa»position de leader» sur les gratte-ciels en Russie, ce genre de vantardise dont certaines ont subitement disparu de ses anciennes archives en ligne après février 2022, mais pas toutes... (30)

Ne serait-il pas regrettable qu'un lien puisse être établi entre la ligne éditoriale soudainement devenue antirusse d'une chaîne comme LCI, et la potentialité pour Bouygues d'engranger de juteux contrats en vue de reconstruire l'Ukraine en cas de défaite Russe ? La contamination de la France par une certaine logique privée d'origine anglo-américaine «à la Halliburton», belliciste sans fin, pour laquelle «plus on casse, puis on ramasse», devrait nous conduire à nous interroger sur le Système (politique) occidental actuel. Un Système de prédation privée qui prospère à travers toujours plus de guerres illégitimes déclenchant toujours plus de contrats juteux, en méprisant au passage toute espèce d'intérêt général, de Droit international, sans même parler des Droits humains...

«Selon que vous soyez puissant ou misérable» : un air de Panama Papers ?

La comparaison dans le traitement de l'information chez les médias PC français, illustre une évidente asymétrie, pour le dire pudiquement. La façon dont un opérateur pourtant crédible comme Éric Dénécé mais sans grands moyens, a pu être fustigé de partout et se voir totalement dénier la moindre possibilité d'expression sur un média comme LCI, pourtant possédé par un groupe impliqué non uniquement dans des affaires de gros sous, mais bien dans des affaires avec au moins l'un des oligarques russes les moins recommandables (Deripaska, du reste connu pour avoir été «repris en mains» publiquement par Poutine il y a quelques années), devrait au minimum nous interroger quant à la «gestion» de la démocratie par des groupes privés à travers leurs médias interposés...

Ceci, d'autant plus que le groupe Bouygues est coutumier de scandales, et non des moindres. Citons dernièrement au moins l'énorme affaire du «Pentagone français» et du bras de fer qui l'a opposé à l'hebdomadaire satirique Le Canard enchaîné, coupable d'avoir révélé certaines de ses pratiques douteuses (31)... Des pratiques d'influence pour le moins pesantes, ou de chantage «légal» (32), certainement bien plus répandues que l'on ne le croit dans bien des affaires de marchés publics passés auprès de collectivités locales, et pas uniquement en Île-de-France (33), outre une drôle d'affaire d'enfouissement d'amiante récemment découvert à Chartres. (34)

L'été dernier, ce fut une incroyable affaire de «braconnage» ayant impliqué Olivier Bouygues, frère de Martin Bouygues et coactionnaire du groupe, où l'on vit les gendarmes débarquer dans son immense domaine en Sologne à la recherche d'un «charnier» d'oiseaux protégés. «Soupçonné d'avoir organisé la destruction d'espèces rares depuis des années, le milliardaire sera jugé en mars 2026». (35)

Dernièrement, c'est une drôle d'affaire d'héritage qui a été évoquée cet été par la Lettre A, publication relativement confidentielle, et qui pourrait devenir le prochain scandale médiatico-judiciaire impliquant le Bouygues.

La Lettre A vient en effet d'évoquer tout récemment le ciblage de la discrète Corinne Bouygues (l'unique fille de Francis Bouygues), dans le cadre d'une bataille d'héritage (36) : un site Internet anonyme a été créé cet été («corinnebouygues.com»), prétendant détailler (donc : rendre public) l'imposant patrimoine supposé de cette héritière du groupe Bouygues. Cette divulgation par ce procédé détourné intervient dans le contexte d'une affaire judiciaire, dans laquelle Nicolas Bouygues, l'un des quatre héritiers (avec Martin, Olivier et Corinne) du groupe Bouygues à la mort de leur père Francis Bouygues (en 1993), conteste le partage successoral dans lequel il semble s'estimer lésé.

La Lettre A évoque la «succession la plus secrète et la plus disputée des empires familiaux français», divisé en «deux clans» qui s'opposent : Martin et Olivier d'un côté (tous deux milliardaires aujourd'hui), de l'autre Nicolas Bouygues, fils aîné et «ex-dauphin putatif à la succession de son père», qui semble se considérer comme lésé, ayant été «injustement évincé» lors de la succession.

Mais jusqu'à présent, Corinne Bouygues semblait à l'écart de ce contentieux. Elle est soudainement ciblée parce premier site Internet anonyme, puis par un second(enquete-corinne-bouygues.com) après la mise hors service du premier,reprenant les mêmes informations : lui imputant un énorme patrimoine (160 millions d'€ de biens immobiliers et de yachts, et établis pour la plupart à l'étranger), et sous-entendant son origine frauduleuse au regard du fisc (non déclarée en tant que succession : «des dons manuels - donc non déclarés - ayant échappé au partage successoral»).

La Lettre A reste prudente quant à l'affaire mais fait le lien avec la récente défaite judiciaire en première instance de Nicolas Bouygues : l'héritier qui s'estime spolié dans cette affaire de succession, semble évoquer à l'appui de sa demande de compensation des dons manuels qui auraient été effectués au profit de ses deux frères en 1979 et 1982. Ces derniers auraient pris leur disposition pour anticiper un potentiel contentieux successoral, trahissant sans doute le caractère louche de l'affaire. C'est alors que Corinne Bouygues semble avoir été soudainement inquiétée par ces sites anonymes mettant en lumière son patrimoine anormal, alors qu'elle était jusqu'à présent silencieuse : un silence qui «résonnerait comme un aveu de satisfaction» quant à sa part successorale inavouée. On la considérait jusqu'à présent comme n'ayant «pas connu l'ascension du groupe Bouygues», et «l'ampleur de son patrimoine» pose d'autant plus question. Les sites internet évoqués rendent en tout cas publics des documents juridiques si précis que le doute semble permis. La Lettre A rend compte de la surprise puis du mutisme gêné des avocats de Corinne Bouygues. (37)

Pour l'instant, hormis la Lettre A, l'information semble n'avoir été évoquée que dans L'Informé, Le Figaro ainsi qu'une brève dans Sud-Ouest (38). La première instance a donné tort à Nicolas Bouygues, il a fait appel et la bataille judiciaire va continuer, de toute évidence. Il est tout à fait possible que cette affaire ait d'autres suites.

Une autre hypothèse pourrait aussi envisager qu'il s'agisse d'une attaque informationnelle plus ou moins «russe», permettant de cibler à terme la partialité des Médias PC français comme LCI, dépendant du groupe Bouygues, dans cette guerre d'Ukraine. Hypothèse sans doute résiduelle à ce stade, mais pas impossible, et peut-être même que la défense des héritiers milliardaires tentera de jouer sur cette idée.

Le ciblage impitoyable d'Éric Denécé, l'omerta sur les groupes privés détournant la démocratie vers la guerre

Pour l'heure cette affaire rappelle en tout cas, en modèle réduit, le mode opératoire d'autres affaires comme les Panama Papers ou l'affaire dite «Clearstream 2»: des révélations soudaines et autres fuites «téléguidées», qui servent à modifier un état de fait insatisfaisant, lorsque des affaires de gros sous sont en jeu et qu'un parti s'estime lésé, et qui servent ensuite dans des stratégies judiciaires ou pour exercer des pressions, politiques ou géopolitiques. C'est souvent grâce à ce genre d'affaires que l'on en apprend davantage sur les ressorts de la mondialisation et de ce que le magistrat Jean de Maillard appellel'»économie trafiquante», en tant que «paradigme de la mondialisation». (39)

Tout pourrait être présent dans cette querelle familiale, qui donnerait bien des idées de scénarios cinématographiques. La question de savoir si elle sera davantage médiatisée par la suite, va illustrer ou non cette idée de «deux poids deux mesures», «selon que vous soyez riche ou puissant» (40), spécialement au sujet de l'Ukraine.

D'un côté : Éric Dénécé aux abois pour avoir osé dire la vérité. De l'autre : de juteuses affaires bien peu questionnées par le vertuisme de LCI et consorts, se présentant toujours comme «ceux qui lavent plus blanc que blanc».

Le ciblage et la mise sous pression professionnelle et sociale d'opérateurs honnêtes comme Éric Dénécé, sur fond de guerre en Ukraine, contraste en tout cas avec la discrétion de ces affaires concernant le groupe Bouygues en Russie et de son «intéressement» à une certaine résolution de la crise ukrainienne, qui lui ouvrirait la possibilité de contrats lucratifs (premier sujet), pour s'enrichir toujours plus, et entretenir un népotisme dynastique grâce à la fraude fiscale (deuxième sujet). Mais ce sont pourtant bien ces gens qui «font l'opinion» belliciste et la diffusent à travers LCI...

Pierre Fontaine, écrivain initié du domaine pétrolier jusqu'aux années 1960, remarquait combien la vassalisation entraîne, de fait, la complicité de guerre (41). Mais on évoque trop peu la question des monopoles privés détournant la démocratie : œuvrant plus ou moins subtilement pour un certain bellicisme détournant la puissance publique de l'intérêt général, et toujours prêts à faire la guerre avec le sang des autres. Il est d'autant plus remarquable de voir que ces gros intérêts financiers sont bien peu souvent incriminés, et que c'est le plus souvent par ce genre d'affaires familiales, notamment à l'occasion de successions, que peuvent fuiter vers le grand public les raisons pas toujours reluisantes de certains grands enrichissements soudains.

«Les fortunes de guerre sont toujours douteuses», remarquait à bon droit Sénèque ; et cela concerne aussi les guerres de succession. Le bon sens populaire considère en tout cas qu'une fortune trop rapide est douteuse ; remarquons ici qu'elle s'obtient difficilement sans un minimum de fraude fiscale. Pour qui veut bien envisager les potentielles interdépendances un instant, cette affaire pourrait mettre en évidence un «cas d'école» parmi les plus intéressants qui se dévoilent sous nos yeux, dans une certaine discrétion jusqu'à présent alors qu'elle ne manque pas d'intérêt...

 Jean-Maxime Corneille

 reseauinternational.net